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Isaip en Barcelona : Lettres instructives et articles connexes
11 mars 2007

5 : Loosers

Journal de campagne de Gargamel le conquérant, entrée 5

« Loosers »

Comme ce titre peut le laisser entendre, ce n’est pas cette note qui me couvrira de gloire. J’invite tous ceux qui veulent garder l’image de moi qu’ils ont sans doute déjà, celle d’un garçon brillant en tous points, beau, brillant, fort, et d’une modestie de granit. Entendons nous bien, cette image est loin d’être erronée comme chacun sait, mais elle cache certaines zones d’ombre que les nécessités de l’histoire me poussent à mettre en lumière.

Le lecteur attentif aura noté que notre objectif avoué, à nous jeunes étudiants français de l’ISAIP, était de rencontrer du monde. Depuis quelques temps nous avions remarqué une affiche qui traînait qui indiquait en anglais qu’une « fête de bienvenue » aurait lieu dans un bar-golf (hé oui) prêt de l’avenue Tibidado, avenue proche de La Salle puisque l’arrêt ou on descend porte son nom. Avec quelques uns d’Angers, mes collocs Ivain et Nicolas, et leurs compagnons de promo Angers Anaïs et Mohamed, on s’est dit que c’était sûrement une sorte de rencontre ERASMUS, et que ça pouvait valoir le coup.

Nous nous nous y sommes donc rendus le soir, non sans perdre 30 minutes de marche inutile et montante grâce à notre incapacité à localiser de façon efficace un endroit sur une carte. Quand nous sommes arrivés, 30 minutes après l’heure annoncée sur l’affiche donc, nous étions surpris, il n’y avait guère de monde. Nous sommes descendus à l’étage du dessous ou la fête était censée avoir lieu. Quand j’ai demandé au serveur s’il y avait bien une fête ici il m’a répondit avec un sourire un peu jaune « Bien sur ? Vous voyez pas que c’est le pur délire ici ? »

Un peu dépités nous avons pris une table et commandé à boire en attendant. Le principe du bar golf était qu’il y avait trois terrains de golf virtuel plus un d’entraînement disposés. Un écran et un système informatique vous disait ou va la balle que vous frappez avec un joli rendu graphique.

Quelques personnes arrivaient, des gens pas mal typés pays froids parlant anglais surtout. Nous on était à notre table toujours, se disant que quand il y aurait plus de monde ce serait plus facile de rentrer en contact.

S’en suivit une séquence particulièrement humiliante. A mesure que des gens rentraient, tous anglophones, tous se connaissant, nous nous répétions inlassablement que quand même, faudrait se lever, établir un contact, tout ça. Mais dès qu’on étaient sur le point de se décider, on voyait pas bien à qui parler, quoi dire, comment se comporter. Voyez vous il existe une race de gens qui provoque toujours mon admiration, que j’appelle les dénicheurs, ces gens là vous les lâchez dans une ville et le soir même ils vous ont trouvé une soirée super sympa ou aller et rencontrer des tas de gens cools. Ces gens là ont un radar pour trouver les bonnes personnes, et savoir quoi leur dire au moment opportun.

Aucun dénicheur ne se trouvait parmi nous. Juste quatre grands bêtes terrassés de timidité et d’indécision (je ne compte pas Nicolas qui est misanthrope donc n’avait pas envie de rencontrer du monde, il était venu selon ses propres termes « pour me marrer en vous voyant vous ramasser ». Jusque là il rigolait bien.)

Je tentais de proposer des approches possibles qui ne recevaient jamais qu’un scepticisme sans bornes, et j’aurais bien entendu été incapable de tenter seul de les appliquer. On commençait déjà à se voir revenir tristes et bredouilles, auréolés de notre propre nullité sociale, quand Momo fit un geste dont la bravoure nous cloua d’admiration, il se leva et alla demander au bar combien valait une partie de golf, éventuellement pour plus tard se rapprocher des autres joueurs. Faut bien se rendre compte que ce simple geste était un exploit dans l’optique d’immobilité totale ou on étaient. Bon il s’est avéré que la partie était à 24€ donc non, mais son exemple nous avait gonflé le cœur, et bientôt Ivain et moi nous levâmes pour, accrochez vous bien, nous rapprocher des convives l’air de rien, l’air de regarder jouer. Plus fort encore, Ivain a carrément entamé la discussion avec un type que je n’avais pas avisé ! Malheureusement il tenta en espagnol, et son interlocuteur n’y comprenait rien, c’est donc avec un air de super héros tardif que je vins à sa rescousse et que nous entamâmes la conversation (pff je sais pas pourquoi je part toujours dans des constructions basées sur le passé simple, ça me réussit vraiment pas…)

Notre interlocuteur était Fredrick, et lui et ses amis venaient tous de suède. Ils étaient étudiants à La Salle depuis plus d’un an et demi, et aucun d’entre eux ne parlaient espagnol ou presque ni ne connaissaient de gens d’ici. Ils restaient entre étudiants anglophones. Un peu sceptiques face à un tel isolement nous nous sommes toutefois vraiment bien entendus avec lui, et il nous a invité à une sortie le lendemain soir en boite, nous avons accepté avec joie.

Le lendemain soir il s’est avéré que j’étais le seul à y aller, les autres devaient rejoindre leurs compagnons angevins dans une soirée bar qui ne s’est finalement pas faite.

Le rendez vous était à l’avingua Tibidado, très au nord de Barcelone à flanc de montagne dans une boite appelée la Dansatoria. Après le temps considérable qu’il m’a fallu pour la trouver alors qu’elle n’était vraiment pas loin de l’arrêt de métro, je décidai de rejoindre Fredrick à l’intérieur. Le Dansatoria était situé dans une des anciennes grandes maisons bourgeoises comme il y en a tant sur Tibidado, très belle et brillamment éclairée. Bonne surprise : l’entrée y est gratuite. D’après Fredrick l’entrée y est assez filtrée, mais une chemise et une bouille bien blanche ont suffit. Alors que je le cherchais dans l’endroit encore presque vide, Fredrick m’envoie un message me disant qu’il arrivera à minuit et demi. Il était encore 11H30 et le rendez vous était normalement à 11h, indigné d’un tel délai ou je me retrouvais tout seul comme un idiot je fus pris d’un doute horrible. Je regardai le premier message ou il me disait ou et quand, et je constatai que par l’un de ces miracles d’autohypnose dont moi seul était capable j’avais lu « 11h » là ou il n’annonçait que minuit.

Donc j’était tout seul pendant une looongue heure… Catastrophé de ma propre sottise, je me rappelai que l’entrée était gratuite et donc je sorti dans l’objectif de me trouver un endroit ou manger dehors. Les kebabs et sandwicheries toujours ouverts français m’ont pas mal manqué, mais après un moment de marche je suis tombé sur un bar-resteau, la « cafeteria ». Ici pas de sandwichs, mais des tapas en tous genre. Comme je ne connaissait rien et que tout avait l’air bon je demandais à la serveuse de ci ou de ça, car la présentation me laissait entendre qu’on pouvait prendre un peu de ceci, un peu de cela…

Bon autant le dire, en fait j’avais commandé l’équivalent de trois repas chauds. Au début c’est avec un sourire soulagé que j’accueillais les assiettes, mais rapidement je me décomposai en voyant les plats s’accumuler. Il y avait des brochettes, des patates grillées avec une sauce orange, une salade avec une autre sauce inconnue, bref des tas de trucs que je ne connaissais pas. Bon entendons nous bien, sur le coup de fourchette je ne suis pas le dernier, mais là ça faisait VRAIMENT beaucoup ! Et sans cesse je me demandais combien ça allait me coûter ! Finalement après avoir (presque) tout mangé l’addition m’est revenue à 16€ ! Moins pire que ce que je craignais, mais douloureux à sortir quand même… J’avais gardé la note dans l’espoir de pouvoir vous donner les noms de ce que j’ai mangé, mais je constate avec dépit que seul le prix y était indiqué, pas les plats… Bref, méfiez vous des tapas (ou soyez moins boulet que moi, ça marche aussi)!

Sur ce nouvel éclat de sottise de ma part il se faisait le temps de retourner au Dansatoria. J’ai attendu Fredrick devant la boite, il est arrivé avec un ami à lui, Marc. A ce moment là il y avait beaucoup plus de monde. Je constatai qu’on ne dansait guère ici, c’était surtout pour se rencontrer, boire, draguer. Une bonne moitié des gens y parlaient anglais, et les filles y étaient très nombreuses et splendides. Evidement il n’y aurait eu que des mecs ça n’aurait rien changé pour moi puisque je suis incapable d’accoster une demoiselle, mais le plaisir des yeux y étaient largement. La boite se faisait son argent non pas sur les entrées mais sur les boissons alcoolisées, très chères. Ca me convenait tout à fait puisque le non alcoolisé était n’était « que » cher.

J’ai rencontré les amis de Fredrick, beaucoup de suédois, quelques uns d’autres destinations, tous anglophones et coupés du reste de Barcelone. Ils étaient charmants mais c’était très picole&clopes, ce qui m’a valu de me sentir un peu seul par moments. Quand la boite à fermé à 3h du mat je me demandais si j’avais vraiment envie de les revoir, quand une des personnes que j’ai rencontré m’a rattrapé. C’était Mary, une amie de Fredrick qui était plutôt d’accord avec moi sur le fait que ce serait pas mal quand même de rencontrer des espagnols. On a discuté et on est partis chacun de notre côté pour se rentrer. J’espère la revoir à La Salle. Les métros finissant à minuit, je suis rentré en taxi, et je suis content de dire que c’est seulement 6€50 de l’avenue Tibidado à la Via Laetiana juste à côté de chez moi, soit les deux opposés de Barcelone. Là j’était tout seul, mais à plusieurs le taxi est vraiment une bonne option, d’autant qu’il y en a toujours beaucoup.

Le dimanche fut exclusivement consacré à ne RIEN faire. Ensuite les cours de la semaine reprirent leur court normal. Mardi matin alors que moi et Ivain allions à la station de métro pour aller en cours de java, deux journalistes avec micro et caméra nous arrêtèrent. Celle au micro nous expliqua qu’ils faisaient une étude sur l’impact de la pollution dans le développement des allergies, et nous demanda si nous en avions. Ivain n’en avait aucune, mais je lui dis que j’avais une allergie aux acariens. On lui avait dit qu’on était français (comme si notre accent ne nous trahissait pas dans les 15s…)  et je m’attendais à ce qu’elle m’épargne niveau difficulté de réponse, hé bien rien du tout, elle m’a demandé de décrire en détail. Et moi pauvre de moi tout piteux devant la caméra de mimer les crises de larmes et le nez pris, citant « los ojos » et « la nariz » parce que je suis incapable de décrire autrement les symptômes (en fait je sais dire enrhumé, mais ça me pose toujours un problème de dire que je suis « muy constipado »). Alors que je me débattais avec la langue espagnole je me fais aggriper par une nana déguisée en saltimbanque et qui insistait pour que je lui donne ma main pour lire mon avenir. Je ne panique pas, j’ai toujours eu cette aptitude unique à attirer les cinglés et à provoquer chez eux une irrésistible envie de me coller, je décline poliment, je fais remarqué que j’étais en pleine discussion, mais rien n’arrête la voyante qui insiste et insiste. J’ai tout essayé, je lui ai dit que mon futur je le connaissais et que je l’aimais bien, je lui ai dit que c’était ma main à moi et qu’elle l’aurait pas, je concluais brutalement toutes ses tentatives par un « ADIOS », rien n’y faisait. A un moment elle m’a lâché 5s pour demander à Ivain, mais quand il a dit non c’était de nouveau pour ma gueule !

Je devais donner un spectacle amusant avec mes tentatives de décliner de toutes les façons possibles en Espagnol. Cette scène de Vaudeville a duré jusqu’à ce que les deux journalistes et la voyante éclatent de rire et nous disent qu’on était tombés (moi surtout du coup) dans une sorte de surprise sur prise d’ici ! La voyante était une actrice, l’interview était bidon, et moi il parait que j’étais très bien, et que nous serons diffusés ce jeudi là le soir sur Antena 3, l’équivalent de notre M6. Voilà comment en deux semaines être une star de la télévision espagnole :+)

Voilà l’essentiel de nos aventures jusqu’ici. Il est à noter que j’ai trouvé ce qu’étaient les statues vivantes dont l’une d’elle m’avait surprise sur la Rambla. Ce sont els quiets qui gardent la pose des heures durant sauf s’ils reçoivent une pièce (ou pour se cacher si on essaie de les prendre en photo sans rien leur avoir donné). J’ai donc eu une sorte de privilège :+)

En vous souhaitant à tous plein de bonnes choses je vous salue bien bas,

Gargamel

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